La galerie Estades propose du 16 janvier au 5 mars 2016 une exposition des gravures et lithographies de Bernard Buffet.
Du graphisme de Buffet, de son style, certes immédiatement reconnaissable, mais comme celui de beaucoup de peintres, même de moins grands – qui à Lyon ne reconnaîtrait pas un Jean Martin pour l'avant-guerre, ou pour l'après guerre un Truphémus ou un Lachieze-Rey ? –, on peut dire avec l'auteur du texte de présentation de la galerie : " Le trait est incisif et déterminé, les lignes droites s'allongent".
En effet, si nous parlons des pointes-sèches. Des ciels aux hachures obliques parfaitement droites, un nuage par ciel toujours le même, comme un oeil au pourtour épais déchiré par les griffonnis réguliers des cils, griffonnis qui habillent d'ombres aussi les architectures, les visages, les fonds… Une indigestion de lignes sèches, froides, rigides.
Mais aussi dans des compositions équilibrées, des verticales prononcées de jambes, d'arbres, de poteaux électriques, de clochers, des angles aigus de toits, de chapeaux de clowns, de visages, de voiles de bateaux. L'incision de la pointe sur le cuivre est rapide, énergique, peut-être violente, rageuse même ? On aimerait le croire, et on y croit presque. Et on n'est pas loin de trouver cela juste, intéressant, sincère, douloureux. Comme dans la gravure réussie intitulée "La Baume, autoportrait dans la salle de bains" où le visage en gros plan de l'artiste émacié, d'un côté de la planche, fait pendant à une baignoire massive et déformée et étirée comme un tombeau de granite de l'autre côté.
Rage ? Mais est-ce le cas quand les lignes des grandes masses semblent si réfléchies, presque tirées au cordeau, quand les compositions sont si bien léchées. Paradoxe ? Contradiction ? De là peut-être le malaise du spectateur devant ce qui peut apparaître comme des tics.
Un malaise que les lithographies accentuent : là, le travail de l'artiste semble moins convaincant, parce que moins original et pour tout dire, trop proche de la peinture. La vue des clowns, même tristes, des toreros aux muletas mauves, des paysages de Saint-Tropez, des fleurs éclatantes, toutes ces lithos aux tons vifs et tranchés, aux fonds platement monochromes, répètent du déjà vu, du trop vu sans doute. Et se répètent à l'envi. Sclérose ? On a beaucoup glosé sur le rôle de ses galeristes, Emmanuel David, puis Maurice Garnier, dans la production mécanique et prolifique de Buffet. Il est vrai que l'essentiel de sa production lithographique arrive une fois la réussite des années 50-60 assurée.
Finalement il n'est pas sûr que ces fameuses lignes, qui font le style de l'artiste, "dévoilent des oeuvres fortes et bouleversantes" comme on voudrait nous le faire croire. Le peintre disait : "La peinture on n’en parle pas, on ne l'analyse pas, on la sent". Devant ses gravures et lithographies, que sent-on ?
P.B.
Galerie Estades, 61 quai Saint-Vincent, Lyon, Bernard Buffet, gravures et lithographies.
Du 16 janvier au 05 mars 2016.
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