Parmi les expositions de gravure du mois, celle de la Maison de pays de Mornant peut retenir l’attention : sans être exceptionnelle, l’exposition collective des estampes de trois artistes différents, Jean-Marc Reymond, exclusivement buriniste, et deux peintres graveurs, Bernard Rouyard et Jean Philippe Bui-Van reste malgré tout peu fréquente.
Si ces trois graveurs qui se connaissent, s'entendent pour exposer ensemble, c’est parce qu’ils peuvent partager non seulement la même presse, mais aussi une assez proche conception de l’estampe et du processus créatif. Pas d’ « interrogation » sur l’art, sur l’œuvre d’art ou sur un sujet dans leur travail. Non, il ne s’agit pas de mettre en question, il s’agit plus simplement de traduire, de rendre compte d’une émotion ou d’une impression nées l’une comme l’autre d’un regard, à un moment donné, sur le monde qui nous entoure. Ce peut être un arbre à la forme féminine, une écorce, un point de vue sur les tilleuls de telle ou telle place bien précise de Lyon, d’une scène ou d’un paysage aperçus ici ou là.
Présupposé commun qui ne signifie pas production semblable. Rien de plus différent que ces trois-là. On reconnaît très vite les brillants burins lentement creusés de Jean-Marc Reymond, paysages de roches ou troncs d’arbres ou corps féminins aux surfaces tourmentées, planches contrastées, aux lignes acérées, qui écorchent le cœur. Bernard Rouyard, à travers lithographies ou bois gravés, parfois eaux-fortes sur zinc, laisse s’exprimer et se voir le geste de la main qu’on devine pressée, comme dans l’urgence, sur le cuivre ou la pierre : on voit le travail de la pointe ou de la plume d’où naissent des formes esquissées, suggérées, tremblées, fragiles peut-être comme des souvenirs, qu’il s’agisse d’un intérieur de bar ou de maison, d’une ligne d’arbres ou de buissons. Jean-Philippe Bui-Van montre des gravures sur cuivre ou des monotypes, où arbres, maisons, paysages là encore, sont comme dépossédés de leur poids de réalité pour devenir tâches ou lignes, plus évocatrices et justes même car plus synthétiques.
A écouter ces trois graveurs, qui n’hésitent pas à dire leurs faiblesses ou leurs difficultés autant que le bonheur de leur quête, ou bien encore la lenteur éprouvante de la taille, la résistance des plaques ou les effets imprévus de l’acide, le labeur répétitif de l’impression sur la presse, on ne peut que se réjouir : l’art est encore affaire de métier, ce que parfois aujourd’hui on aurait tendance à oublier.
P.B.
du 26 mars au 10 avril :
3 graveurs, Jean-Marc Reymond, Bernard Rouyard, et Jean-Philippe Bui-Van
Samedis, dimanches et jours fériés, 11h-12h30 et 14h30-18h30.
Écrire commentaire