A la galerie Mathieu, 48 rue Burdeau, les gouaches et estampes de Bui-Van suscitent un contact très direct, émotif, sensible.C’est un jeu très gestuel, empreint de poésie, entre deux couleurs secondaires, le vert et le mauve, apparaissant et disparaissant sous le brun et le noir. Taches d’ombres, ombelles plutôt, ou frondaisons, sur le vide du blanc du papier qui dessine des fleuves, des espaces, dans des formats carrés en général pour les gouaches, rectangulaires pour les gravures.
C’est une peinture qui parle d’abord à l’âme. Comme une réminiscence fragile et floue. Imprécise aussi, elle esquisse des contours, des nuages, des formes vagues, verlainiennes pour ainsi dire, des formes musicales, suggestives, qu’on sent nées d’un regard sur une réalité précise, c’est à dire un paysage, urbain souvent. Un paysage qui se montre dépouillé, simplifié, synthétisé, pourrait-on dire, non pas enrichi, mais plus net, plus vrai, un réel épuré, purgé des accidents, des incidents, des excès, des choses inutiles et laides. Et rien d’oriental là-dedans, pour moi… Au contraire, les signes d’un classicisme très français, très pur. On songe à des paysages de Poussin, à Claude Lorrain surtout, dont un lavis brun (« Le Tibre vu du mont Mario », 1640, British Museum) pourrait être un point de repère, dans le traitement des masses, la réserve du blanc du papier. Classique donc.
Et moderne. Car si cela s’appuie sur une expérience visuelle authentique, qu’on pourrait presque reconstituer, par un effort d’imagination, en même temps le résultat final crée une autre réalité, une autre expérience : celle d’une poésie de la peinture, d’une harmonie - le mot est-il honteux ?- faite d’accords quasi musicaux, d’échos dans la couleur, le geste, et de rigueur dans la composition, avec ses horizontales et ses verticales, ses obliques répétées, dont l’intention n’est plus de dire le réel, même recomposé, mais de faire de la peinture, et une peinture qui réjouisse. En cela, il est moderne.
Finalement que voit-on ? Une série de gouaches et d’estampes proches et différentes, comme des essais ou des « états » jugés toujours insatisfaisants, et recommencés toujours dans une recherche inquiète. On a envie d’attribuer à J. Ph. Bui-Van ces vers, ici détournés, de Verlaine à qui son art fait décidément songer : « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant / D’une forme inconnue, et qui n’est chaque fois / Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre »…
P.B
Jean Philippe Bui-Van, Galerie Mathieu,
48 rue Burdeau, 69 001, LYON. 06 79 71 95 68
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