A l’aube des temps modernes, la planche de bois, travaillée au couteau, est le procédé unique de l’illustration. L'image gravée en relief comme la typographie, peut être imprimée en même temps que le texte. Cela fit le succès du livre à gravures du XVIème siècle (voir la chronique sur B. Salomon.)
A la fin du XVIème, concurrencé par le burin pratiqué sur cuivre, le bois disparaît pratiquement jusqu’au début du XIXème, où la presse, en grand développement s’empare du procédé, modernisé par l’utilisation du bois de bout, plus résistant, que l’artisan-artiste taille à la gouje ou au burin :
Suivent quarante ou cinquante ans de gloire pour le bois gravé. Mais progressivement au cours du XIXème, le bois est de nouveau concurrencé et supplanté par d’autres procédés, dont la photographie. Des artistes s’emparent alors du procédé et reviennent au bois de fil. Vers 1890, quelques artistes vont redonner au bois ses lettres de noblesse, et notamment en couleurs.
Cette histoire de la gravure sur bois rapidement expédiée pour en venir à notre homme du jour :
Ainsi Auguste Lepère (1840-1918), qui passe pour LE rénovateur du bois (j’aime à me dire que sans lui, pas de Gauguin, ni de Derain, de Dufy, de Vlaminck…) : ouvrier graveur chez un imprimeur au début de sa vie, puis entrepreneur imprimeur travaillant pour les journaux, puis artiste graveur sur bois et cuivre, fondateur avec d’autres de la revue L’estampe originale, attachée à redorer le blason du bois gravé, et notamment du bois gravé en couleurs, sous l’influence des bois gravés japonais que l’on découvre alors.
En 1898, il travaille à une planche Dimanche aux fortifs. Il s’agit des fortifications de Paris, élevées à partir de 1870 qui le dimanche servent de lieu de promenade et de divertissement aux Parisiens. On sait que l’artiste gravant une planche sent, à un moment, qu’il touche au but : il tire une épreuve pour apprécier le résultat de son travail. S’il est satisfait, le travail de gravure peut s’arrêter là. Sinon, il revient sur la planche pour améliorer, corriger… Et chaque fois qu’il tire un exemplaire, il livre un « état » de travail, jusqu’à l’état définitif qui donnera lieu au tirage en nombre.
On voit ici quatre épreuves différentes de cette estampe, sur les cinq connus. Le plaisir de l’amateur, pour ce qui concerne les estampes anciennes, relève souvent du jeu des différences : il s'agit de mettre dans l’ordre chronologique, du premier au dernier état, les épreuves d'une estampe. J’avoue ne pas pouvoir m'expliquer le tirage en noir. Mes lecteurs graveurs me diront quel pouvait en être l’intérêt.
On touche là aussi un des paradoxes de la "collectionnite" : l'amateur recherche de préférence les épreuves d'état (plus rares, donc plus chères, et la différence peut aller de un à dix ) à l'épreuve définitive, montrant par là le peu de cas qu'il fait du travail de l'artiste, un peu comme le bibliophile aime les livres pour leur histoire, leur appartenance à telle ou telle bibliothèque, ou leur reliure plutôt que pour leur contenu.
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