Le métier de Superman des graveurs oubliés ou des gravures anonymes est sans danger, mais pas sans suspense. Ni patience.
Voilà un bois, anonyme, qui me plaît. Je lui trouve une bonne facture, manifestement il relève d’une esthétique particulière, qui évoque la Sécession viennoise et/ou l’art déco.
Quand on l’a en mains, on découvre un beau papier japon, fin et souple, léger comme un nuage, collé partiellement par le haut sur un vergé. Du beau travail.
Alors commence le travail d’enquête. Par le biais du thème, de l’époque possible (entre 1890 et 1925). On explore les banques de données, les musées étrangers, à Vienne, à Londres, à New York, à San Francisco (très riche en gravures françaises, le Fine Arts Museum of San Francisco), à Amsterdam… Rien à faire. On laisse tomber, en se disant qu’un miracle mettra un jour en présence de sa soeur, dûment attribuée et numérotée.
Une année passe. Et un jour en regardant la gravure, le monogramme saute aux yeux, dans le feuillage. Evidemment, on l’avait déjà vu, mais à cet endroit si rare, on s’était dit : c’est un accident du bois, une mauvaise impression des branches. Un monogramme, d’accord. Mais est-ce LC ? CL ? GL ? LG ? L’enquête est relancée. On feuillette plusieurs dictionnaires, page par page… Sans aboutir.
Et tout se résout brusquement par la découverte d’une nouvelle estampe du même style, qui présente le même monogramme, et qui, elle, est signée… Georges Le Meilleur (1861-1945) présent dans tout bon livre sur la gravure ; J. Bailly-Hersberg dans son dictionnaire le décrit comme un « graveur au solide métier », grand prix de la gravure originale en noir de la Société nationale des Beaux-Arts de Paris, en 1924.
Mais quelle idée de signer de ces deux lettres un nom en trois mots !
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gérard Klein (samedi, 25 avril 2020 19:29)
Le "bois" de ce jour m'apparait particulièrement puissant, peut-être en raison des forces naturelles qu'il décrit avec un trait un peu "brut".
Décidément ce sont les "bois" qui me percutent le plus, je les trouve plus forts, en raison sans doute du matériaux qui contraint à moins de légèreté du trait mais permet d'échapper au risque de préciosité qui peut guetter les paysages rupestres des gravures... J'avais déjà beaucoup apprécié le Vlaminck d'il y a quelques semaines...
J'aime aussi les récits de recherche et d’enquêtes que tu relates dont les ingrédients me rappellent vaguement la généalogie et l'archéologie que j'ai un peu pratiquées. En plus ils me renvoient immanquablement aux récits de "l'oncle Paul" attendus chaque semaine dans le journal de Spirou, des années cinquante ( Je parle de la structure du récit et non de la qualité littéraire , of course !)
PB (dimanche, 26 avril 2020 19:36)
Assez d'accord avec toi, sur le bois gravé. Il contraint l'artiste à simplifier, à aller à l'essentiel...
Mathilde L (lundi, 27 avril 2020 22:33)
Il me plaît aussi beaucoup ce bois, d'ailleurs j'y reviens encore ce lundi et ose demander ce que cette fois Gérard n'a pas réclamė : la dimension de l'oeuvre.
merci de nous faire partager tes découvertes
PB (mardi, 28 avril 2020 08:08)
Désolé, j'ai oublié les indications habituelles, en légende de la photo. Il mesure 17,5 x 24,5, une taille tout à fait raisonnable...