Une des joies les plus intenses du collectionneur est de trouver, au bout de longues années de patiente attente ou d’inlassables recherches, l’un des objets de ses désirs. Mais il en est une autre non moins intense et jouissive, celle qui consiste à dénicher par hasard l’oiseau rare.
Ainsi, signalé obligeamment à mon intention, est entré dans mes cartons un lot d’estampes, d’un de ces artistes lyonnais totalement inconnus aujourd’hui, oubliés depuis des décennies, et dont le nom même m’était inconnu.
De lui on ne sait presque rien de sûr, hormis ses dates de naissance et de mort. Eh bien, voilà qu’il revit un peu, et que, grâce au net, son travail peut être vu.
Tout en écrivant cela, un souvenir des Caractères de La Bruyère me revient. Dans le chapitre « De la mode », l’auteur met en scène un collectionneur d’estampes:
«Vous voulez voir, dit Démocède, mes estampes ? Et bientôt il les étale et vous les montre. Vous en rencontrez une qui n’est ni noire, ni nette, ni dessinée, et d’ailleurs moins propre à être gardée dans un cabinet qu’à tapisser, un jour de fête, le Petit-Pont ou la rue Neuve : il convient qu’elle est d’un Italien qui a travaillé peu, qu’elle n’a presque pas été tirée et que c’est la seule qui soit en France de ce dessin, qu’il l’a achetée très cher et qu’il ne la changerait pas pour ce qu’il a de meilleur. »
Ouais ! Satire justifiée, et bienvenue. Mais il a beau rire de ce fou, ce fou-là empêche la feuille en question, collée sur le Petit-Pont ou la rue Neuve, de disparaître lentement mais sûrement sous les coups du Temps.
Quoi qu’il en soit, mon « cabinet », et l’oiseau rare en question, c’est par là.
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