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A LA MORT, A LA VIE

L’exposition présentée au Musée des Beaux-Arts de Lyon s’intéresse aux vanités, ces oeuvres qui prétendent, à la suite de l'expression biblique « Vanité des vanités, tout est vanité », montrer combien sont vaines les activités et les plaisirs des hommes, puisque tout, à la fin, se termine par la mort.

Le titre de l’exposition « A la mort, à la vie » met l’accent sur les deux faces de la condition humaine, la vie, avec ses bonheurs, ses plaisirs d’un côté et de l’autre la mort, avec l’accident, le dépérissement, voulant ainsi montrer comment l’art de la vanité représente la beauté de la vie autant que l’horreur de la mort. Son sous-titre « Vanités d’hier et d’aujourd’hui » avertit que le champ d’exploration traverse les siècles, et de fait les oeuvres présentées courent du XVIème siècle à nos jours. Ajoutons que la grande majorité des oeuvres provient de la collection du musée, et de celle du Musée d’art contemporain, à l’exception d’une trentaine gracieusement prêtées par un collectionneur lyonnais.

H. Hondius, Squelette avec un sablier sur une stèle, XVIIème siècle.
H. Hondius, Squelette avec un sablier sur une stèle, XVIIème siècle.

Le premier mérite de l’exposition, à nos yeux, est de montrer un grand nombre d’estampes, et pour l’essentiel des oeuvres pour ainsi dire jamais vues, issues du fonds du musée, beaucoup plus riche qu’on ne l’aurait jamais imaginé : Rembrandt, bien sûr, mais aussi Georg Pencz, Lucas de Leyde, Hendrick Hondius, Sadeler, Jacques de Gheyn II, Jan Saenredam, et d’autres plus proches de nous comme Colette, Ch. Sénard ou Marcel Roux. Apparemment même, la recherche d’oeuvres pour l’exposition a été l’occasion de découvertes au sein du musée. La présence importante des gravures dans l’exposition inaugure-t-elle une nouvelle ère qui leur ferait retrouver la place qui leur est due dans l’histoire de l’art ? N’oublions pas que la gravure a été du XVème siècle au XIXème siècle le seul moyen de représenter le monde. 

Effet peut-être de la Covid et de la préoccupation écologique en cours, qui ont obligé les institutions muséales à s’interroger sur leur modèle d’expositions, on voit des oeuvres d’artistes locaux, anciens, modernes ou contemporains : ainsi des peintures de Louis Carey,  d’Olivier de Coquerel, d’Antoine Vollon…, des gravures remarquables et jamais rencontrées de Charles Sénard, des oeuvres de Avril, Aubanel, Cerino, Favier, Giorda, à côté d’un Jim Dine impressionnant.

 

Si la vanité est liée d’abord à la nature morte, que la tradition académique place au dernier rang de la hiérarchie picturale, elle peut se lire aussi dans la scène de genre, voire dans le portrait, la fleur. D’où la variété des oeuvres présentées. Et les dix sections de l’exposition, sur ce plan-là, ne sont pas en reste : établies de manière cohérente et didactique, elle centrent l’intérêt tantôt sur la façon dont on représente la mort - le squelette, le crâne, les symboles -, tantôt sur les sujets - les âges de la vie, le savoir, les plaisirs des sens…- , que les artistes choisissent comme motifs. 

 

Jacques De Gheyn, Un jeune homme préférant l'amour d'une femme à l'argent que lui offre une femme âgée, XVIème siècle.
Jacques De Gheyn, Un jeune homme préférant l'amour d'une femme à l'argent que lui offre une femme âgée, XVIème siècle.

Un  autre mérite, et non des moindres, de l’exposition est enfin de montrer de manière éclatante, parfois provocante, la continuité d’un genre à travers l’Histoire : le Picasso lumineux à côté d’une nature morte du peu connu Alexis Vollon, ou un beau format de Giorda à côté d’un petit Bonvin. On sait ce que la vanité du XVIème siècle doit à la fresque romaine, mais on voit aussi qu’au XIXème un modeste graveur réaliste comme Charles Jacque s’essaie à reproduire des vanités de Ribera ; que des contemporains s’emparent aussi du thème, de Bacon à Barceló ;  que le crâne, cette représentation si évidente de la mort, est l’objet du travail non seulement de Picasso, mais de bien d’autres comme Bohm, Aubanel, Traquandi ou Dietman. Un accrochage réjouissant car il montre que des artistes contemporains, et non des moindres - outre ceux qu’on a cités, on rencontre encore Gilbert & George, Bill Viola...  -  s’inscrivent dans la continuité et non dans la rupture. Quelle que soit leur époque, les artistes éprouvent le besoin de se confronter à la pensée tragique du temps qui passe et de la mort qui vient. 

 

A partir de là, chacun se débrouille comme il peut : la « vanité » est invitation à se réformer, à modérer ses plaisirs ou au contraire à jouir du peu de temps qui reste, et de la beauté des choses.

P.B.

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