Le Bois gravé lyonnais, 1929-1941

Nous avions déjà eu l'occasion de parler du Bois gravé lyonnais  (BGL) dans notre Journal des confins en 2020. Mais nos recherches étaient alors lacunaires et il était temps de présenter une synthèse de ce qu'on sait aujourd'hui sur cette société d'artistes, qui d'une certaine manière est l'ancêtre de ces groupes de graveurs que l'on connaît aujourd'hui, l'Alma, L'empreinte, Envers-Endroit, ou l'URDLA... 

 

La société du Bois gravé lyonnais (BGL) est née à la fin des années 20, on ne sait pas exactement comment, de la rencontre entre Philippe Burnot (1877-1956) et Albert Pauphilet (1884 -1948). Le premier originaire de Lantigné en Beaujolais, où son père dirige une fabrique de papiers, est d’abord dessinateur sur soierie.  Initié par George Bruyer à la gravure sur bois, il s’y consacre pleinement, devenant ainsi illustrateur régulier auprès de Charles Forot, qui crée en 1920 à Saint-Félicien, en Ardèche, les Editions du Pigeonnier.

Le second, d’origine parisienne, est professeur de langue et littérature françaises du Moyen Âge à la Faculté des lettres de Lyon de 1923 jusqu’en 1934, avant d’être nommé à la Sorbonne  pour  terminer sa carrière comme directeur de l’Ecole normale supérieure. 

 

Philippe Burnot, Paysage du Beaujolais.
Philippe Burnot, Paysage du Beaujolais.

 

Cette création s’inscrit dans l’air du temps qui voit la redécouverte publique de la gravure sur bois. La découverte de l'estampe japonaise, le travail de A. Lepère  puis des Nabis, favorise la renaissance du bois gravé.  Les expériences  des Fauves entre 1906 et 1914, en font une pratique d'avant-garde. Après une première tentative d’existence en 1913, la Société de la gravure sur bois originale (SGBO) est recréée à Paris en 1921.  A Lyon, les Ziniar publient deux albums de gravures sur bois en 1920 et 1921. Ce développement de la gravure sur bois est accompagné par l’imprimerie M. Audin fondée en 1920. C’est aussi à cette période (1923) que naissent les grandes éditions de livres illustrés de gravures sur bois des collections Fayard (le Livre de demain) ou Ferenczi (le Livre moderne illustré). 

 

La société regroupe, pour des expositions et des éditions en commun, des graveurs sur bois, venus de la région mais aussi d’ailleurs (France ou étranger). Parmi les graveurs de la région, on note les noms  Jean Chieze, de Paul Janin, Louis Osio (1877-1958), Emile Bégule (1880-1972), Léon Schulz (1872-1969), Frédérique Charlaix (1883-1939), Jeanne Bardey (1872-1954),  Pierre Thévenin (1905-1950, Rose Seguin-Bechetoile (1896-1941) … et d’autres aujourd’hui bien oubliés, André-Paul Colonna (?),  Francisque Desroches (?), Maurice Flachat (?), Odile Thermac (?).

Par une lettre de Ph. Burnot à M. Audin, on sait que chaque année la société achète les bois des membres, avec les épreuves d’état et de tirage, et les diffuse. Elles sont reconnaissables par le timbre sec que la société appose dans la marge inférieure.

 

Sont organisées, entre 1929 et 1941, dix grandes expositions, dans le grand salon de l’ancien archevêché, attenant à la bibliothèque municipale (anciennement le Palais Saint Jean sur les bords de Saône, actuellement bibliothèque du 5ème arrondissement). Elles réunissent trois grandes sections : celle des graveurs sur bois locaux, membres de la société, celle des invités (parisiens ou étrangers) et une section ancienne (on y voit Dürer, Rembrandt…), grâce à la richesse de la bibliothèque. Car le conservateur de l'époque, Henri Joly (1892-1970), soutient en effet avec bienveillance ces manifestations qui entrent dans le cadre de sa politique d’ouverture à la culture de la bibliothèque municipale de Lyon. La presse rend compte régulièrement des expositions et se montre très favorable, devant ces oeuvres figuratives qui ne bousculent pas les codes établis. 

 

Parmi les graveurs locaux, seuls Philippe Burnot, le fondateur, et Jean Chieze sont aujourd'hui reconnus. Les autres dont nous avons entrepris de rechercher les estampes sont largement mésestimés. On trouvera sur notre site les données recueillies sur les oeuvres de Frédérique Charlaix, de Paul Janin, de Francisque Desroches, de Jeanne Bardey, de Léon Schulz. Mais il reste beaucoup à faire. 

 

Le public lyonnais découvre en 1930 des graveurs sur bois parisiens, dont Alfred Latour (1888-1964), Herman-Paul (1864-1940). En 1933, sont accueillis des artistes polonais, dont Janina Konarska que nous avons récemment présentée. En 1934 les Tchécoslovaques Wladimir Silovski (1891-1974), Nauman (??), Dillinger (??), présentent leur travail, comme en 1936  les Belges Maurice Brocas (1892-1948), Edgar Tytgat (1879-1957, Anton J. Van Hoecke (?), et le plus célèbre Frans Frans Masereel (1889 -1972). 

 

Maurice Brocas, port breton, BGL, 1936.
Maurice Brocas, port breton, BGL, 1936.

En 1937 vient le tour des Allemands, avec  Karl Hennemann (1884-1972), Alfred Finsterer (1908-1996), et en 38 celui des Anglais avec John O’Connor (1913-2004), Ethelbert White (1891 - 1972), Mabel Annesley (1881 - 1959), Clara Lieghton (1898-1989), Clifford Webb (1895-1972).

Il n’y eut pas de salon en 39 et 40.

Pour la dernière et dixième édition du salon, en 1941, qui eut lieu dans l’ancien hotel Villeroy (aujourd’hui musée des tissus et des arts décoratifs), le public découvre des graveurs espagnols, notamment Fernando Labrada (1888-1977) ou Julio Preto Nespereira (1896-1991).

 

Peut-être verrons-nous un jour le Musée de l'Imprimerie et de la Communication graphique de Lyon s'intéresser de nouveau à cette histoire en présentant une rétrospective...

 

P.B.

 

Sources :

Florence Dury, "Le Bois gravé lyonnais" in Les Nouvelles de l’estampe, n°185-6.

La presse de l'époque rend compte des expositions, notamment  le critique lyonnais Louis Pize dont on peut lire les articles fidèles et réguliers publiés dans le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire.

 

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