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Lyon Art Paper 2024

 

Le salon de dessin contemporain, organisé par la SLBA, s’est tenu la semaine dernière au Fort de Vaise. Un salon qui a le mérite d’exister dans une ville qui semble ne plus savoir plus ce qu’est un artiste, et qu’on ne se permettra pas de critiquer. Sur le papier, exceptionnellement remplacé par la mousseline ou le lin, ces artistes manient traditionnellement le crayon, le stylo à bille, l’aquarelle, le fusain, plus étonnamment le cheveu, ou l’éosine. Avec cela aussi, des collages, grattages, découpages, qui relèvent de l’expérimentation, de l’exploration et peuvent donner des oeuvres réussies. A noter qu’une quasi douzaine d’artistes présentent des gravures, ou à tout le moins des feuilles issues de l’impression d’une plaque et retravaillées.

 

De quoi nous parlent-ils ?  D’eux-mêmes souvent, de leurs émotions, de leurs inquiétudes ; mais aussi de la mémoire, de l’existence, de l’Autre. Finalement de l’humain, du corps, non le corps victorieux et triomphant de la publicité ou du cinéma, mais le corps abattu, déchiré, troué, déformé par ceci ou cela, la violence ou le temps. A l’image du monde peut-être.

La figure est revenue en force, soit par le portrait quasi photographique, soit embarqué dans des fictions que le spectateur est invité à élaborer. Le paysage ? définitivement écarté, sauf le paysage imaginaire, reflet de l’inconscient ;  si la nature morte a disparu, l’abstraction, informelle souvent ou minimaliste, quoi qu’on en dise, n’est pas morte. On voit aussi des gros plans sur des cellules, des neurones, le monde de l’infiniment petit donc, puisque tout est dans tout.

Un mot revient souvent, fragilité. Fragilité du sujet voué à une mort certaine, fragilité du moi écartelé entre injonctions contradictoires, fragilité de la mémoire, fragilité du monde voué à une disparition prochaine.

D’autres proposent un voyage intérieur au coeur du moi, ou à la rencontre de l’Autre. Heureusement ou lâchement, c’est question de point de vue, personne pour évoquer les migrations contemporaines, qui font le sujet de la Biennale de Venise. La figure occupe une grande place, avec des images d’hybridations, de métamorphoses, signe majeur et convenu de notre art contemporain qui se fait décidément bien baroque. L’humain y est joyeusement mâtiné de faune et de flore, et pour la bonne cause : l’anthropocène nous fait frères ou soeurs des végétaux, des animaux, voire des minéraux. 

 

Et la manière, me dira-t-on ? J’aurai bien garde de prendre parti. On passe d’un dessin ouvertement et franchement réaliste, traité avec précision et minutie, à des formes minimalistes, synthétiques. On glisse ici vers un univers proche de l’illustration, ou là de la fresque murale. Il y en a finalement pour tous les goûts. 

 

Pour la gravure, je découvre Yoan Lafragette, qui travaille sur la région et dont les travaux, jouant sur l’altération des plaques, sont issus d’une réflexion argumentée, et la buriniste Marie Christine Beguet, qui vient des Cévennes, et dont les épreuves se caractérisent à la fois par une composition abstraite rigoureuse et une expression subtile et légère. 

On s’amuse in fine en constatant dans le livret d’accompagnement que l’invité d’honneur qui appartient à un groupe dont le but est «  de créer et de promouvoir un art abstrait véritablement en rupture avec tout l’art de la médiatisation/ consommation » est présenté par la très modeste galerie Ceysson & Bénétière (présente à Saint-Etienne, Lyon, Paris, New York, Luxembourg, et Genève). Un coup de coeur pour Perrine Blaise-Chaillan, papier embossé, papier japon teinté et collé, qui produit des oeuvres (trop ?) séduisantes, et silencieuses et paisibles. Chut !

 

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Commentaires: 1
  • #1

    MC Béguet (vendredi, 18 octobre 2024 17:09)

    Bel article sur l'ensemble de l'exposition, assez hétéroclite.
    Merci pour votre appréciation de mes gravures !