Cet artiste ne devrait pas figurer dans cette liste : né dans le Cher, il a vécu en grande partie dans l’Yonne, à côté d’Avallon, assez loin donc de la zone géographique que ce site examine.
Mais l’absence de données le concernant, la qualité de son travail de graveur, l’oubli dans lequel il est tombé, nécessitait de lui consacrer une page pour lui assurer une certaine visibilité.
Né à Vouzeron, fils de paysan berrichon, arrivé à Paris vers 1900, il exerce de nombreux métiers avant de devenir peintre, après avoir suivi des cours du soir. En 1913 il entre dans l’atelier de Luce Berthold Mahn où il rencontre Richard Maguet arrivant d’Amiens auquel il se lie d’amitié.
Il participe à la première exposition de la Jeune Peinture française au printemps 1918. Il fréquente les milieux artistiques de cette époque et apparemment il est associé aux grands noms de l’époque, Bonnard, Camoin, Derain, Matisse, Renoir, dès 1920, date à laquelle il commence à graver : il participe à la deuxième exposition de la Jeune peinture française organisée par la galerie Manzi-Joyant et Cie, en juin 1920, autour de Cézanne et Renoir.
De 1921 à 1929, il expose à Paris, Bruxelles et à New-York .
Il devient sociétaire du Salon d’Automne en 1922, membre des Peintres-Graveurs Français en 1932, dont il fut vice-président en 1958.
En 1925 il est nommé pensionnaire de la villa Abd-el-Tif à Alger par le gouvernement général de l’Algérie, où il rencontre Etienne Bouchard et Jean Launiod, ainsi que Jean Alasard, alors professeur à la Faculté de lettres, futur conservateur du Musée d’art moderne d’Alger, et le poète Gabriel Audisio. Il travaille et voyage en Algérie, fait en 1926 un séjour à la Goulette, en Tunisie, en compagnie du peintre A. Marquet.
En 1927, à son retour en France, il découvre Pontaubert, dans l’Yonne près d’Avallon, où il va séjourner souvent avant de s’y fixer.
En 1928, il fait partie de la sélection de peintres d’une exposition « l’Art français moderne » à Bruxelles.
Il séjourne aussi régulièrement en Vendée et en Bretagne où, dans les années 1930, il a constitué avec d’autres artistes, Eugène Clairin, Levrel, le « groupe de Saint-Jean-de-Monts ».
Il participe à la décoration de la grande pièce d'honneur du Pavillon de l'Algérie à l'exposition coloniale de 1931 et 1937. Il est présent au Petit Palais à l'Exposition de 1937. Il voyage aux Etats-Unis, en Hollande, en Italie, à Venise où il est invité de la Biennale de 1940, et à partir de 1940 en Angleterre, en Belgique.
En 1947, il devient membre du Comité national du livre et de la Société de l’Estampe.
En 1953, il est nommé professeur de gravure à l'École des beaux-arts d'Alger, charge qu'il exerce jusqu'en 1962.
En 1974, suite à une exposition rétrospective, il offre des tableaux au musée d’Avallon. Il s'est retiré à Pontaubert où il meurt en 1977.
Eugène Corneau est un paysagiste dans l’âme ; il se montre au début un intimiste proche des Nabis. Si l’on doit définir son style, il faudrait parler de tradition française; il est un peintre de l’harmonie, de la sérénité ; il s’inscrit dans la recherche de la vérité la plus pure, la plus simple du monde.
« Dans l’univers clos d’Eugène Corneau, tout est intensité paisible, accords réfléchis et recherche de valeurs justes, sans la prodigalité de brio qui tend de plus en plus à substituer la pochade au galop à l’oeuvre laborieusement réfléchie » écrit Georges Besson, dans les Lettres françaises. C’est peut-être ce qui lui vaut aujourd’hui l’oubli qui est le sien.
Ses oeuvres sont présentes dans les musées en France (Albi, Annecy, Bagnols-sur-Cèze, Bourges, Gand, Poitiers, au Musée national d’art moderne de Paris, Rodez, et à l’étranger Alger, Constantine, Oran, et Tunis.
Son oeuvre de peintre est importante. Mais c'est dans la gravure qu'il a donné le meilleur de lui-même.
Outre les toiles et pastels, il a gravé plus de 300 planches dont une vingtaine en couleurs et a illustré de nombreux livres (environ 200 gravures). Nous tenons à la disposition de nos lecteurs une liste non exhaustive de ses gravures.
Il a illustré :
Sedeyn (Emile), Petites villes de France, Paris, Société de Saint-Eloy, 1935, 5 eaux-fortes de E. Corneau, 127 ex.
Renard (Jules), Ragotte, 27 pointes sèches d'E. Corneau, éd. G. Grès, Paris, 1931, 850 exemplaires.
Hemon (Louis), Maria Chapdelaine, 5 compositions originales en couleurs de E. Corneau, éd. Rombaldi, 1939.
Dorgelès (Roland) Entre le Ciel et l'Eau, 15 eaux-fortes d'E. Corneau, Ed. G. Crès et Cie, 1930, 1000 ex.
Péguy (Charles), La tapisserie de Notre-Dame, Cercle Lyonnais du Livre, 1957, six eaux-fortes de E. Corneau, 185 ex.
Conrad (Joseph) : Typhon, 30 eaux-fortes de Corneau, éd. P. Rombaldi, 1946, 990 exemplaires.
Marçais (Georges), Villes et Campagnes d’Algérie, 1958, eaux-fortes de Bersier, Bouchaud et Corneau, Imprimerie nationale, Paris 1958 ( republié en Août 2005, Coll. « Histoire et Patrimoine » ).
Lamartine (Alphonse de), Entretien XV. La Vigne et la maison. Le Père Dutemps, Aux dépens de l’artiste, 1948, 52 eaux-fortes par Corneau, 210 exemplaires.
La Varenne (Jean de), Le Bouffon blanc, Paris, Marcel Sautier, 1947, 27 pointes-sèches de Corneau, 110 ex.
Belleau (Remy), Petites Inventions, Paris, Les Amis Bibliophiles, 1966, 150 ex. 14 eaux-fortes de Corneau.
Escholier (Raymond), Mahmadou Fofana, Paris, Grès, 1928, in-8, 10 eaux-fortes de Corneau.
Bibliographie
Noël Coret, Les peintres de la vallée de la Marne : autour de l’impressionnisme, La renaissance du livre, 2000.