24 avril 2020 (Journal des confins).
Le métier de Superman des graveurs oubliés ou des gravures anonymes est sans danger, mais pas sans suspense. Ni patience.
Voilà un bois, anonyme, qui me plaît. Je lui trouve une bonne facture, manifestement il relève d’une esthétique particulière, qui évoque la Sécession viennoise et/ou l’art déco.
Quand on l’a en mains, on découvre un beau papier japon, fin et souple, léger comme un nuage, collé partiellement par le haut sur un vergé. Du beau travail.
Alors commence le travail d’enquête. Par le biais du thème, de l’époque possible (entre 1890 et 1925). On explore les banques de données, les musées étrangers, à Vienne, à Londres, à New York, à San Francisco (très riche en gravures françaises, le Fine Arts Museum of San Francisco), à Amsterdam… Rien à faire. On laisse tomber, en se disant qu’un miracle mettra un jour en présence de sa soeur, dûment attribuée et numérotée.
Une année passe. Et un jour en regardant la gravure, le monogramme saute aux yeux, dans le feuillage. Evidemment, on l’avait déjà vu, mais à cet endroit si rare, on s’était dit : c’est un accident du bois, une mauvaise impression des branches. Un monogramme, d’accord. Mais est-ce LC ? CL ? GL ? LG ? L’enquête est relancée. On feuillette plusieurs dictionnaires, page par page… Sans aboutir.
Et tout se résout brusquement par la découverte d’une nouvelle estampe du même style, qui présente le même monogramme, et qui, elle, est signée… Georges Le Meilleur (1861-1945) présent dans tout bon livre sur la gravure ; J. Bailly-Hersberg dans son dictionnaire le décrit comme un « graveur au solide métier », grand prix de la gravure originale en noir de la Société nationale des Beaux-Arts de Paris, en 1924.
Mais quelle idée de signer de ces deux lettres un nom en trois mots !