1er avril 2020  (Journal des confins).

Lion

Les chemins de la gravure sont imprévisibles. Au hasard de recherches documentaires, bien souvent me sont tombées sous les yeux des estampes de la ville de Lyon. Sur l'une d’elles, tirée de Les plans et profils de toutes les principales villes et lieux considérables de France (1634) du cartographe Christophe Tassin, le nom de la ville s'écrit « lion », ce qui suffirait à expliquer la présence du lion sur les armoiries de la ville.

A la différence de la gravure plus célèbre de Matthaüs Merian qui en 1638 l’écrit avec un « y » (voir la gravure sur le site de la BML). Et écrivant ceci aujourd’hui, je sens comme un appel à réfléchir sur l'orthographe qui s'est imposée. Peut-être, parmi mes lecteurs, une bonne volonté ?

Et de fil en aiguille, recherchant d'où vient le dessin de ce lion et la gravure qui a pu l'inspirer ou le graveur qui l'a commis, on rencontre une drôle d'histoire.

La ville de Lyon dont l'emblème depuis l'origine se composait d'un lion accompagné de trois fleurs de lys, avait vu comme toutes les villes de France disparaître cet emblème royal à la Révolution. Il fallut attendre 1852 et l'Empire pour que les armoiries retrouvent droit de cité. 

 

En 1859, le garde des sceaux de l'époque autorise la ville de Lyon à reprendre son blason originel, le lion et ses trois fleurs de lys. En 1859, le garde des sceaux de l'époque autorise la ville de Lyon à reprendre son blason originel, le lion et ses trois fleurs de lys. Le préfet Vaïsse, qui est chargé de l'administration du département du Rhône, et en même temps, maire de Lyon (cela ne vous rappelle rien ?)  est chargé de l'affaire.

 Celui-ci dont on sait le goût pour la modernité  - c'est lui qui lance la rénovation du centre-ville, ouvre la rue de la République, dessine le parc de la Tête d'or -  veut actualiser le dessin ancien : parmi ses relations, le chef de file de l'école moderne, un certain Gustave Courbet, alors en exil sur les bords proches du Léman, et qu'il peut aider. On fait donc appel à lui. Le peintre a d'autres chats à fouetter, devant rembourser les frais de la démolition de la colonne Vendôme. Dans ce qu'il a sauvé de son atelier saisi par la République, des gravures de Jacques Callot, et sur l’une un filigrane qui présente un lion. Il le copie rapidement et l’envoie au préfet : jeu, plaisanterie, ironie, provocation ? On ne le saura jamais Quoi qu’il en soit, le projet est approuvé, et le lion gravé pour être reproduit  sur les papiers à en-tête, par un artisan-artiste complètement oublié aujourd'hui, mais au nom bien lyonnais, Gigodot, dont nous n'avons jamais rencontré de gravures.

Et voilà comment la ville de Lyon utilise aujourd'hui un blason dont le lion vient d'une papeterie germanique du début du XVIIème siècle. Comme actualisation, on a fait mieux...

 

 

 

PS.

Eh bien, oui, c'est un poisson d'avril.
Tout est vrai (la gravure, le filigrane, le blason et son histoire, Vaïsse et sa double casquette, Courbet et son exil à Lausanne bien sûr), mais l'assemblage final est faux : Courbet n'est pas intervenu dans cette affaire et il n'existe pas de graveur nommé Gigodot...