2 avril 2020 (Journal des confins).
En art, le motif de la liseuse (pas l’appareil électronique, mais la personne qui lit) ne date pas d’hier… D’ailleurs je remarque en écrivant que l’art dit « liseuse » et que la vie courante dit « lectrice ». Tout le monde bien sûr n’est pas Saint Jérôme lisant (Dürer). Tout le monde ne lit pas forcément des livres : la liseuse de Vermeer, image fascinante de silence et de concentration, se contente de lire une lettre, comme d’autres d’ailleurs. Tapez liseuse + peinture dans la barre de recherches de votre navigateur préféré et laissez-vous embarquer : vous verrez venir aussi Fragonard, Manet, Renoir, Monet, Matisse, Picasso… et tant d’autres.
Il y a les mères, les amies, les maîtresses, les épouses. Les liseuses sérieuses, les indolentes, les studieuses, les déshabillées, les inquiètes, les qui s’ennuient et les amoureuses, voire les libertines…
Vous avez remarqué, vous aussi ? Peu de liseurs, hein ! Mais allons, cherchez bien, et vous en trouverez.
La liseuse de Truphémus, j’imagine qu’il s’agit d’Aimée, sa compagne, est allongée sur le lit, le dos bien calé, confortablement appuyé sur des coussins, comme une personne que je connais bien. Une lampe jette un cône de lumière violente derrière elle. L’artiste se concentre sur la tache de lumière qui efface les détails, noie les traits du visage. Elle lit. Concentrée. En allée. Le monde extérieur, c’est l’obscurité.
Louis Paviot (1872-1943) est un post-impressionniste, d’origine lyonnaise, aujourd’hui oublié, ami de Bonnard, Vuillard, Camoin, exposant avec eux, faisant partie de la galerie Berthe Weill ; il est placé par les critiques de son temps - on ne l’imagine pas - au nombre des peintres de premier plan.
Sa liseuse ? Allongée sur un lit, mais couchée complètement, une lectrice occasionnelle, un peu déshabillée, feuilletant une revue, et le graveur saisit ce moment d’abandon et de distraction, dans l’intimité de la chambre. Dans quelques minutes elle va se lever, s’habiller, sortir, et rejoindre le salon de la Duchesse de Guermantes…
Si l’on permet que ce journal des confins soit exceptionnellement celui des confiné(e)s, je dirai ma perplexité présente de lecteur.
On a proposé de placer le livre parmi les biens de première nécessité et de permettre aux librairies une réouverture à condition d’une application de règles sanitaires strictes. La Librairie mettant en avant la volonté de ne pas participer à la transmission du virus en raison de « tous les contacts inévitables qu'elle entraînerait entre libraires et clients » a refusé et réclamé l’arrêt des ventes de livres en ligne… Elles ont, paraît-il, explosé.
Je fais mes courses alimentaires de produits frais et locaux dans une épicerie du quartier, où l’on peut être servi, après avoir commandé par internet, tout en respectant la distance recommandée et les gestes nécessaires à la protection de tous.
Ce qui est possible à l’épicerie ne le serait pas à la librairie ?